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Portrait  de Alexis DALTROFF

 

Alexis Daltroff naît à Paris le 12 octobre 1840. Ses parents sont mariés civilement depuis le 22 août 1839. Le mariage religieux a eu lieu le 11 novembre de la même année en la synagogue rue Notre-Dame de Nazareth. Le père Michel Daltroff est à cette époque marchand bimbelotier. Il est arrivé quelques années plus tôt de Puttelange, en Moselle. La mère Sarah Cahen est née à Paris d'un père lui-même lorrain. D'autres enfants naissent plus tard. Émilie vient au monde le 3 janvier 1846, puis Céline le 2 juin 1849. La famille vit d'abord rue Michel-le-Comte au coeur de Paris. Michel, le père reste commerçant, parfois qualifié de colporteur donc itinérant et Sarah la mère est lingère. Un oncle des enfants, Mayeur Weille, témoin de naissance est d'ailleurs lui-même fabricant de lingerie rue Saint Avoie.

Les enfants sont scolarisés, notamment on le sait pour les deux filles, à l'école de la rue des Hospitalières Saint Gervais (école laïque pour les enfants de la communauté israélite). Émilie y est inscrite de 1849 à 1853 et Céline de 1852 à 1855, à la salle d'Asile, équivalent d'une école maternelle. Quant à Alexis, il est trop âgé, lorsque cette salle d'Asile ouvre vers 1847/48. Peut-être a-t-il suivi les cours de l'école élémentaire du même établissement.

 

Qu’advient-il du jeune homme, lorsqu'en 1860, il est recensé pour la conscription ? Quel numéro tire-t-il ? Celui qui le libère ou celui qui l'envoie à l'armée pour plusieurs années ?

On ne le retrouve qu'en 1868, au moment de son mariage. Le 22 octobre, Alexis épouse Françoise Nora en la mairie du 10e arrondissement. A cette date, il est marchand d'outils et demeure 52 rue du Temple avec ses parents. Françoise, née le 24 mai 1844, à Hellimer en Moselle, est brodeuse et vit avec son père Salomon, 256 rue du Faubourg Saint Martin. Un contrat de mariage a été signé le 14 octobre devant le notaire, Maître Thouard. Parmi les témoins du mariage figurent un oncle, ainsi qu'un beau-frère, Mayer Cahen, époux d'Emilie Daltroff, sœur d’Alexis. Enfin un quatrième personnage, Ernest Woelffling, négociant. Ce dernier joue un rôle important dans la famille, mais aussi au plan professionnel. Il a épousé une sœur de Françoise Nora, Phanie, le 19 décembre 1864. C'est lui qui se présente en mairie pour la naissance de chacun des enfants d’Alexis et Françoise :

- pour Marie, le 19 août 1869.

- pour Georges-Robert, le 2 avril 1873

- et pour Gabrielle Suzanne, le 12 mars 1873

 

Émilie, la sœur d'Alexis, a épousé Mayer Cahen, quelques mois plus tôt, le 25 juin 1868. Ce dernier, mécanicien en voitures, a 25 ans au moment des mariages. Il est peut-être sous les drapeaux, car il lui a fallu obtenir l'autorisation du Général commandant du Département de la Seine pour contracter mariage. Des oncles des deux époux sont témoins, notamment Pierre Daltroff, frère de Michel. Quant à la plus jeune sœur de Alexis, Céline, elle ne se marie pas et décède en 1875, après avoir donné naissance à un enfant sans vie.

La carrière professionnelle d’Alexis Daltroff

On trouve une première trace de cette carrière, sur une liste électorale de 1866. Alexis est alors déclaré commis bijoutier. Après avoir été employé, il devient entrepreneur. Dès 1868, lors de son mariage, il est marchand d'outils. Ce qui est confirmé en 1869, lors de la naissance de sa fille Marie. Les années suivantes il est dit négociant.

C'est au cours des années 1870 qu'il décide de travailler avec son beau-frère Ernest Woelffling. Le 15 février 1874, les deux hommes créent une société commerciale en nom collectif. L'objet est l'exploitation en commun du commerce de tissus en détail pour robes et pour chaussures, ainsi que du commerce d'outils pour bijouterie. La société est créée pour 8 ans et 8 mois et demi et est enregistrée au Tribunal de Commerce ainsi qu’au Greffe de Justice de Paix. Son siège se situe au 53 rue des Ours, domicile d'Alexis. L'année suivante, l'Almanach du Commerce et de l'Industrie précise que les deux beaux-frères ont seuls le dépôt « d’échoppes et burins Lavy » et sont « spécialistes de petites scies pour reperceurs ». Il s'agit toujours d'outils pour bijoutiers. L’article ajoute que la fabrication est faite au Raincy. Il y a peut-être un lien avec le fait que Ernest Woelffling a habité quelque temps dans cette ville (voir le recensement de 1872).

 

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Balance Carat Métrique 2.jpg
Publicité (Daltroff);fourniture pour joaillier

On peut imaginer que Alexis Daltroff et Ernest Woelffling jouissent d'une bonne réputation sur la place parisienne et que leurs outils sont de belle qualité, car en 1878, ils reçoivent une médaille de bronze lors de l'Exposition Universelle. Jusqu'en 1889, on trouve associés les noms des deux hommes. A partir de 1890, ils figurent séparément dans l'Almanach. Alexis a changé d'adresse, il habite rue Tiquetonne, c'est là que se trouve également sa nouvelle société. Par exemple en 1896, il est présenté comme fournisseur « pour joaillier, bijoutier, graveur orfèvre ». Sa société existerait depuis 1857. Il est rappelé qu'il a bénéficié d'une médaille de bronze en 1878. La fabrication se fait toujours au Raincy. Mais en décembre 1899, dans la presse, il est annoncé que sa société est mise en liquidation judiciaire. Toutefois on retrouve son nom les années suivantes dans l'Almanach. Il semble même avoir créé une autre société sous l'appellation Daltroff et Compagnie.

Alexis, le citoyen

 

Quelle est son orientation politique ? On ne le sait, mais il vote, car dès 1866, son nom figure sur une liste électorale. On peut penser qu'il a accueilli favorablement la République en 1870, mais rien ne prouve qu'il ait apprécié le Mouvement Communard. Son beau-frère, Mayer Cahen, a exprimé publiquement au moins des sympathies pour les insurgés. Ce dernier, capitaine du bataillon numéro 155, a peut-être même participé aux actions menées par les communards. Mais le Conseil de guerre qui statue alors sur son cas prononce un non-lieu le 6 septembre 1872.

 

S'il est un moment où l'on peut sans conteste affirmer que Alexis s'engage politiquement, c'est lors de l'Affaire Dreyfus. Plusieurs membres de la famille Daltroff signent un texte en faveur du Colonel Picquart* : Alexis et ses cousins en novembre 1898. On a une trace écrite de cet engagement, conservé au Musée d'art et d'histoire du judaïsme. Il s'agit d'une carte pneumatique (petit bleu), adressée le 3 juin 1899 à Monsieur Hadamard. C'est une lettre de soutien envoyée à un proche de la famille Dreyfus.

Voici le texte:

« Monsieur Hadamard,

Je ne vous connais pas et n'ai avec vous que des relations commerciales, mais ce m’est quand même une grande joie de vous envoyer, ainsi qu’aux vôtres mes plus cordiales félicitations.

Alexis Daltroff

3 rue Cunin Gridaine »

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Pneumatique Verso.jpg

Ce pneumatique est écrit alors que la Cour de Cassation vient de casser le jugement de 1894 qui avait condamné Dreyfus. Cette décision redonne alors espoir aux dreyfusards, même si l'affaire est encore loin d'être terminée.

Les proches d'Alexis

Sa fille, Marie Daltroff, épouse Bernard Frey, noté comme employé le 24 mars 1892. Un contrat est signé devant notaire, Maitre Vian. On peut imaginer que le père de la future est suffisamment aisé pour doter sa fille. Quant au fils, Georges-Robert, il épouse Marie Thérèse Lyon à Vincennes, le 17 mars 1904. L'épouse est la fille d'un militaire. Le fils Daltroff est alors voyageur de commerce et réside au moment du mariage avec ses parents à Saint Mandé.

 

Les recensements de la population vincennoise montrent qu'en ce début de 20e siècle, les familles Daltroff, Frey et Lyon résident à Vincennes. C'est par exemple le cas en 1906, où l'on voit dans le même appartement Alexis Daltroff, sa femme Françoise, son gendre Bernard Frey, sa fille Marie et sa petite fille Renée.

 

Qu'est devenue la sœur d'Alexis, Émilie Daltroff ? Elle disparaît de la région parisienne, abandonnant sans doute son époux, Mayer Cahen.

Les raisons de cette rupture, au cours des années 1870 ne sont pas connues. Le 5 août 1879, Émilie donne naissance à un petit garçon, au Havre. L'enfant est prénommé Louis Francisque Dominique et son père est Claude François Louis Collet. Émilie reconnaît un peu plus tard le nouveau-né. On retrouve le couple Collet Daltroff en 1906 à Lyon lors d'un recensement. Ils vivent 1 place Saint Jean. C'est là que Émilie décède le 9 août 1909. Alexis a-t-il garder des liens avec sa sœur ? A-t-il eu l'occasion de rencontrer Claude Collet ? On peut en douter, car au moment du décès de sa compagne, Collet ne semble rien connaître de la famille Daltroff. L'acte de décès comporte plusieurs erreurs, entre autres celles qui fait de Émilie la fille d'Alexis.

Robert DALTROFF

Epilogue

Le 24 octobre 1911, Alexis décède à l'hôpital Sainte-Anne à Paris. Cet établissement était destiné à accueillir les patients souffrants de maladies mentales. Etait-ce le cas d'Alexis ? Françoise Nora, son épouse finit par quitter son domicile parisien, rue de Saint Mandé. On la retrouve en 1926 à Saint-Leu-la-Forêt, où d'après le recensement elle vit auprès de sa fille, Marie et de son gendre. Elle est encore présente à leurs côtés en 1931/1936.

 

Marie, la fille d'Alexis connait un destin tragique. Elle est arrêtée à Saint Leu en 1944. Elle est conduite à Drancy le 30 juin. Le 31 juillet, elle fait partie du convoi 77, le dernier à partir pour Auschwitz. Elle meurt le 5 août de la même année, victime en tant que juive de la Solution finale.

 

*Il s’agit de l’officier qui a découvert des éléments prouvant l’innocence de Dreyfus en montrant la trahison d’un autre officier, Esterhazy. Picquart a d’abord été condamné avant d’être réhabilité.

Sources

 

Archives départementales

- Paris : état civil, établissements scolaires, fichiers électeurs

- Val-de-Marne : état civil, recensement

- Val-d'Oise : recensement

- Seine-Maritime : état civil

- Rhône : état civil

 

Archives nationales

Site Paris : minutier notaire

 

Almanach du commerce et de l'industrie (Gallica)

 

Catalogue officiel de l'exposition universelle de 1878 liste des récompenses (Gallica)

 

Presse :

- Gazette des tribunaux

- La Loi, journal judiciaire

 

Généanet : voir la répression judiciaire de la commune de Paris de JC Farcy pour Mayeur Cahen

 

Musée d'art et d'histoire du judaïsme Paris

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