A.S.F Association des secrets de famille
La famille LECLERC-BASTIN éclatée
(Suite de l'épisode précédent)

Après la découverte de notre grand-oncle Désiré Émile Leclerc, une visite aux Archives de Paris s'imposait. Nous avons pu y consulter son dossier de l'Assistance Publique (AP).

1/ L'enfant a bien été déposé à l'AP en juillet 1907. Les documents nous apprennent que la mère, Annette Bastin, est partie du domicile conjugal le 21 octobre 1905. Première surprise pour nous puisqu'elle serait partie en emmenant avec elle le plus jeune fils, Louis Edouard, notre grand-père. Désiré est laissé à son père et sa mère l’abandonne de fait.
Le père Emile travaille alors comme brunisseur chez son frère Louis. Il gagne correctement sa vie : 6 francs par jour. Ce n'est donc pas pour des raisons financières que ce père, seul, s'adresse à l'Assistance Publique deux ans plus tard. Selon le rapport de l'inspecteur de l'Assistance, chargé de l’enquête, son fils représente une gêne ; car le père mène « une existence assez décousue » et « a tendance à lever le coude » (deuxième surprise pour nous).
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En 1907, père et fils logent alors dans un hôtel, passage Bouchardy. Pour l'administration, il est préférable de placer l'enfant : il est envoyé dans le Nord.
2/ En septembre 1908, le père, par l'intermédiaire d'un proche, peut être son patron, demande à reprendre son enfant. L'auteur de la lettre précise que « le père mène maintenant une existence régulière ». Une nouvelle enquête est menée et aboutit à un refus de l’Administration ; la situation familiale est jugée trop incertaine. Et d'ailleurs le père Émile décède en 1909. Après la mort du père, aucun document dans le dossier ne montre que la mère aurait cherché à revoir ou reprendre son fils aîné
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3/ Une autre lettre nous surprend. Elle date du 29 juin 1915, en plein conflit de la Première Guerre mondiale. L'auteur est Monsieur Lavanoux, maire du 2e arrondissement de Paris. Cette lettre est adressée à Monsieur Mesureur, Directeur de l'Assistance Publique. Les deux personnes ont des engagements politiques communs, plutôt radicaux et sont franc-maçons.
A la lecture, on comprend qu'ils se connaissent : le premier nommant le second « Mon cher Directeur ». La lettre évoque un troisième personnage, Monsieur Claveau, « un de nos bons amis ». Ce dernier souhaite prendre contact avec Désiré Leclerc, son filleul, et lui apporter quelques subsides. On ne sait qui est ce généreux Claveau qui n'a pas oublié le jeune homme. La réponse de l'Administration est néanmoins négative : le contexte de guerre et l’occupation du Nord ne permettent sans doute pas de fixer le lieu de résidence du jeune homme.
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4/ Une dernière série de documents nous livre d’autre éléments sur l'enfance et la jeunesse de Désiré. En 1919 au lendemain du conflit, le jeune homme âgé de 23 ans sollicite le versement d'une somme restant sur son livret d’épargne. Il s'adresse d'abord au Directeur de l'agence de l'AP à Valenciennes. Avant de réclamer ses 63 francs, il remercie le destinataire pour tous les efforts faits lors de son mariage et lui rappelle son adresse à Fresnes sur Escaut, 63 rue Jacques Renard.
Nouvelle missive le 19 juillet 1920. On apprend que son livret est ancien et que de l'argent y fut placé par sa grand-mère, veuve Leclerc. Au passage, il précise que depuis son abandon il n'a plus jamais communiqué avec sa famille. Les 63 francs lui sont rendus le 8 août 1921 comme en témoigne le compte épargne figurant dans le dossier. L'Administration a fait pour lui des placements provenant de ses gains à la Compagnie des mines d'Anzin. En effet, depuis 1911, le jeune Désiré y est mineur. Il le sera encore dans les années 1920/30 comme le montre sa fiche matricule militaire.
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Désiré Leclerc meurt à Fresnes sur Escaut le 6 juillet 1963, dix-huit mois après son frère Louis (février 1962). A notre connaissance, les chemins des deux frères ne se sont jamais croisés depuis l’abandon de Désiré. Volonté de l’un, choix commun ou échec des recherches ? Ils sont partis emportant avec eux cette partie de leur vie qui les a séparés.